mardi 26 avril 2011

Ces étudiants qui ne répondent plus aux commandes




A l’heure où réussir sa vie provient forcément du résultat d’une longue série d’études post 1er cycle, on n’a pourtant jamais trouvé autant d’étudiants indécis au sujet de leurs avenirs.

Qui plus est, il n’apparaît pas aisé de poursuivre sa scolarisation après l’obtention de tel ou tel diplôme. Primo, une question de coût. Comptez en moyenne 7000 € l’année pour une école de management moyennement reconnue par X ou Y Ministère. Ensuite, question de tri. Le lobby des Grandes écoles veut nous faire croire qu’accéder ne serait-ce qu’à leurs concours d’entrée est déjà une performance, qu’être pris est un Erratum administratif et que poursuivre ses études chez eux est un chemin de croix. Enfin, et pour la plupart des étudiants, question de motivation. La vie estudiantine n’est pas très lucrative. Il est évident que les soirées où l’on passe plus de temps à compter son argent qu’à s’amuser, ça lasse. Beaucoup de jeunes puceaux rêvent de dépasser le 20m², et peuvent donc être amenés à couper les ponts prématurément avec les CDI, les emplois du temps scolaires, les pions et autres devoirs.

En somme, beaucoup intègrent ce type d’établissement espérant simplement assurer un salaire minimum décemment intéressant. Assurer. N’est-ce pas trop craintif comme mot ? Emprunter le chemin du business management, c’est aussi, à terme, se risquer à l’adopter en écoutant le venin du corps professoral, aussi professionnel soit-il.

Il y a deux types d’élèves qui fréquentent ces écoles. Le premier est celui des stéréotypes. Non, lui n’est pas à compter le moindre euro pour survivre à la fin du mois. Les seuls pièces qui sortent de son porte-monnaie sont celles qui vont directement dans le distributeur à cafés. Pour le reste, papa paie et pis c’est tout. C’est d’ailleurs lui qui s’est chargé des frais d’inscription qu’il aura réglé d’une traite afin de bénéficier de la réduction d’un petit pourcent. Un Nota Bene qui rappelle à chacun qu’une école de commerce est une entreprise avant d’être un endroit d’apprentissage et de scolarité.

Le deuxième type d’étudiants est celui qui m’intéresse davantage. Il s’agît de ce quidam qui s’efforce à trouver une entreprise pour l’accueillir, non pas que ça lui plaise mais ça l’exonérerait des frais, qui contrairement à son voisin, sont accessibles que par un seul moyen : l’emprunt bancaire. Justement, à chaque début d’année a lieu une espèce de forum où nos banques les plus chères proposent les meilleurs des meilleurs emprunts à bête de taux pour toi, le djeun’s ! Un prêt pour étudier en toute sérénité !

Une fois passé tous ces obstacles, il reste à franchir le plus grand de tous les murs : trouver un projet professionnel. L’étudiant est obligé de dire à chaque intervenant que son projet est clair et précis, il n’en a en réalité aucune idée. Finalement, il ne se sent pas à sa place au sein de cette école qui, prône le costume cravate, le pas franc-parler et la « gestion budgétaire des finances comptablement diagnostiquées ». Il a certes de la chance d’avoir trouvé une entreprise qui va gentiment lui économiser des milliers d’euros, mais la peur se lit sur son visage : il n’a pas envie de répéter ces réunions de service où il ne participe que de manière fantomatique. Payer le pressing juste pour faire de la figuration commence à être pesant dans la vie de ce jeune étudiant.

En résumé, il apprend qu’il se doit de tirer profit de cet établissement, entreprendre. Il n’a aucune vision sur son avenir, ne sait pas ce qu’il compte en faire. Il sait juste qu’il souhaite être peinard donc indépendant, ou l’inverse.

En conclusion, ces écoles veulent se targuer de l’image et du sérieux de l’entreprise. C’est tout à votre honneur mais chargez vous également de motiver vos candidats et de juger en amont de leurs inscriptions, de leur crédibilité. Moi ça a foiré.

mercredi 13 avril 2011

Les soldes et l'inflation



Nous sommes le dernier mercredi du mois de juin.
Pour certains, ce jour rime avec la fin d’une très longue gueule de bois. Fête de la musique et programmation de différents « festoshs ».
Pour d’autres puceaux, il s’agît de la fin des épreuves du Bac. C’est donc LE moment idéal pour s’organiser des petites sauteries, des vacances…

Steve, lui, s’en contrefiche des banales histoires de diplômes, d’épreuves, de gueule ou même de bois. Pour Steve, c’est le grand jour. Le début des soldes d’été.
Malheureusement pour certains, heureusement pour lui.
Nous sommes en l’année 2032, période économiquement difficile puisque le gouvernement a enregistré un taux d’inflation record atteignant des sommets. Taux qui augmente chaque année de 10%.

Quelle aubaine pour ce « StiSti », comme l’appelle ses amis ! La fréquentation des magasins va fortement diminuer. Il pourra flâner dans les rayons sans que les femmes d’ouvriers s’arrachent des mains les pantalons soldés jusqu’à moins 70%. Quel calvaire, que de se frotter à ce type d’individus, qui ferait n’importe quoi pour avoir ne serait-ce qu’un dixième de tes ressources financières. « Jaloux ! » s’écrit t-il.

Il est 10H du matin. Nul besoin de s’empresser pour Steve. Même si les magasins ouvrent plus tôt en raison de l’évènement, les prix affichés précédemment dans les brochures sont horriblement haut. Ils freinent donc la quasi-totalité de la population qui préfère encore hypothéquer leurs actifs pour manger du jambon.
Là où, vingt ans auparavant, les familles misaient sur ces promotions pour se procurer des vêtements, des meubles pour le reste de l’année, il est aujourd’hui préférer d’aller se munir de pardessus ou couvre-chefs en braquant des containers « La Croix Rouge ».

L’heure est venue pour Steve de sortir. C’est déjà une mission qu’il redoute. Il a pour habitude d’attraper des plaques rouges sur le visage dès lors qu’un miséreux, seulement rémunéré à hauteur de 1381 €net/ mois se trouve dans un périmètre de dix mètres à la ronde.
Alors, c’est vêtu d’une cagoule comme on en fait plus, qu’il arpente les rues accédants aux Grands Magasins. Une chance : Il habite à deux pâtés de maison. Il a donc logiquement décidé de laisser sa Corvette au garage.
Son objectif est clair, profiter de son jour de congé pour faire des « bonnes affaires ».
Les rues sont curieusement désertes pour un premier jour de soldes. Pas si curieux si l’on en croît l’aberrante hausse des prix. Qu’importe ! Cela fera moins de plaques rouges sur le visage cagoulé de Steve.
Les pigeons, anciennement réputés pour être énervants, têtus, collants, se sont eux aussi adaptés à la vie de luxe imposée par les industriels. Fini les gros pigeons hagards, qui bavent et qui te foncent dessus comme s’ils ne t’avaient pas vu. C’est dorénavant avec une robe dorée que ces derniers déambulent les rues. Ils sont devenus éduqués et ne réclament pas la moindre miette de pain. Au même titre que les mendiants dans la rue, ils ont compris qu’ils feraient davantage de recettes en proposant une création artistique plutôt qu’en pleurnichant.

La devanture du Grand Magasin est belle. « Ils ont fait les choses en grand cette année » se réjouit Steve. Le pakistanais qui ouvrait la porte pour accueillir les clients a disparu. Il a été licencié. Ils appellent cela la substitution du capital au travail. Aujourd’hui, les portes s’ouvrent à votre passage en vous souhaitant la bienvenue, suivie de votre prénom, lui-même reconnu par la carte SIM présente dans votre « ultrasmartphone ».

Steve fait son entrée, il s’offusque des pannes récurrentes de la mécanique des escalators. Continuer à pied ? Il s’y refuse. Le responsable du conseil de surveillance de ce grand magasin n’a plus le budget pour assurer la maintenance de ces appareils. Celui-ci est entièrement consacré à la décoration de l’enseigne et à la communication.
Après vingt bonnes minutes à errer dans le hall, Steve se résigne à monter les marches une par une. Afin de se faciliter la tâche, il imagine un tapis rouge sur cet escalier et des flashs incessants autour de lui.

Premier étage, prêt-à-porter homme, le niveau suscitant le plus d’intêret chez Steve. Toujours protégé de sa cagoule, il se met à la recherche de chandails, d’anoraks ou autres gilets. Super !!! Chouette pull orange en cachemire à seulement 2999,99 € après réductions. Notre ami Stisti préférerait mourir plutôt que de louper une telle affaire. Il mît donc ce cachemire dans son panier.
Pendant ces deux dernières décennies, nombreuses sont les personnes qui se sont allégrement enrichies jusqu’à pouvoir assigner des grouillots pour faire leurs courses. Steve, lui n’en est pas là, ses ressources lui permettent de vivre pleinement sans avoir à subir la honte de se nourrir aux Restos du cœur, de s’habiller chez Gemo et de se déplacer en tandem.
Alors il a un panier, qui s’est donc alourdit d’un pull.
Vivre en comptant le moindre euro provoque de larges suées. Physiquement, les effets de cette crise sont grandissants, la vente de shorts et bermudas s’est donc considérablement développée. Steve se dirige alors vers ce rayon pour « s’habiller pour l’hiver ».
Trois pantacourts se chargent d’entasser le panier. L’affiche « 3 POUR 2 » a eu l’effet escompté. Seulement 2259,50 € pour du 100 % coton, ce serait moche de s’en priver.

Il faut passer à la caisse. Pour Steve, ce n’est pas le moment le plus difficile comme peuvent le prétendre les pauvres. Il s’agît juste d’une étape à respecter pour ne pas transformer son shopping en délit.

En sortant du magasin, Steve aperçoit un ancien camarade de classe accompagné de sa guitare. Débraillé, presque nu, il propose un concert et/ou fait la manche. Sans rancune ni regret, cet artiste a encore été ignoré par un passant, mais pas n’importe lequel, son meilleur ami de collège.

L’heure est venue pour Steve de rebrousser chemin. Les caméras de TF1 l’attendent de pieds fermes à son domicile pour réaliser une nouvelle émission de Confessions Intimes. Attention toutefois à ne pas omettre d’acheter une baguette de pain sur son retour. Une liasse de billets bleus suffira à se procurer ce petit plaisir du quotidien.